AU TRIBUNAL
Scène comique d' Henri Poupon 1930
Editions Marcel Labbé

enregistrée par Raimu
et Poupon 
Sur disque Columbia
Une voix -Messieurs, la Cour ! ( un temps)
Le juge - Faites entrer l'accusée ( un temps )
( à l'accusée ) Comment vous appelez-vous ?
L'accusée - Marie-rose, Philomène, Eglantine Trouin des Accoules
J -Vous êtes noble ?
A- Non, je suis protestante
J- Quelle est votre profession ?
A- Ouvreuse
J-Dans quel théâtre ?
A- je ne suis pas dans un théâtre, j'ouvre des moules et des clovisses au quai de la
Fraternité
J- Vous n'avez jamais été condamnée ?
A- Si deux fois ! par trois docteurs, mais ce qui me console c'est qu' ils se
sont bien embarqués !
J- C'est bizarre ! il me semble que je vous connais ! Vous n'avez jamais eu à
faire à moi ?
A- Si, une fois... y a cinq ans
J-C'était pour détournement de mineur, je crois ?
A- Juste! ...seulement il y a eu erreur ! ...J'étais bien partie avec un mineur, mais
y avait trente cinq ans qu'y travaillait à la Grand-Combe.
J- Quel âge avez-vous ?
A- Trente huit ans !
J- Mais vous m'avez déjà dit ça la dernière fois !
A-Eh ben! Ca prouve que je ne suis pas une menteuse et que je suis pas de ces femmes
qui disent tantôt une chose, et tantôt une autre !
J- Vous avez tué votre mari?... pourquoi ?
A- Je l'ai pas fait exprès !
J- Votre crime était pourtant prémédité puisque vous aviez volé le révolver à
Monsieur Blanc , votre propriétaire !
A- C'était pour lui faire peur ! Je voulais pas le tuer pourquoi j'ai horreur
des infusions de sang
J- Et c'est pour lui faire peur que vous lui avez tiré dans le ventre , à bout
portant ?
A-Y faut pas m'en vouloir, Monsieur le Juge, j'ai été victime d'une erreur.
Comme le révolver était à Blanc, j'ai cru que les balles l'étaient aussi !
J- En tout cas vous ne l'avez pas manqué !
A- Qu'est-ce que vous voulez , mon mari il avait tous les défauts, mais il avait une
grande qualité , y fallait pas qu'on le manque !
J- Enfin , qu'est-ce qui vous a poussée à commettre ce crime ?
A- Yl m'avait chatouillé l'amour propre ...Comme vous pouvez le constater, Monsieur
le Juge, j'ai un oeil qui joue au billard et l'autre qui marque les points...
J- Et alors qu'est-ce que ça veut dire ?
A- Ca veut dire que malgre tout ça, y s'arrétait pas de me dire qu'il était
partisan de la Loi Loucheur
J- Et c'est pour cela que vous lui avez donné la mort ? Il était pourtant
très beau garçon ?
A- Ah! Il était frais ! Il se rinçait les dents à l'encre de chine, il avait les
jambes fadades et il faisait pipi entre parenthèses ! Vous vous rendez compte ?
J- Et vous prétendez pourtant qu'il vous trompait ?
A- S' il me trompait ? Vous dites? Mais si je m'étais appelée Joffre,j'aurais jamais
pu passer sous l'Arc- de- Triomphe.Les femmes sont pas difficiles, vous savez ! Ah ! il en
a eu quelques unes dans le quartier : la boulangère, la tailleuse, la marchande de
chichis...je crois qu'à part la repasseuse, il les a toutes repassées ! La première ça
a été la tenancière du Chalet de Nécessité, Madame Déséfforts, une femme, qu'on y
aurait donné le Bon Dieu sans confection ! Après il a eu la femme d'un Grec,
Madame Kutafalounous, celle- là ...Elle était vilaine comme les contributions ! Elle
avait un nez ! Monsieur le juge! que quand elle vous venait en face on aurait dit le
tunnel de la Nerthe , et puis alors des seins ! Des seins, Monsieur le Juge ! Des seins
que chaque fois qu'elle tirait le lit , elle se les prenait sous les roulettes...
J- C'est bon, c'est bon ! Je ne vous demande pas de détail. Vous n'avez plus rien à
dire pour votre défense ?
A- J'ai tout simplement à dire que je ne regrette rien et que je demande les
circonstances éternuantes
J-Atchoum !
A- vos souhaits ! Monsieur le Juge ! J'ai tué mon mari, c'est vrai, mais avant de me
condamner, Messieurs, vous n'oublierez-pas que je suis une pauvre veuve !
J- Gendarmes, reconduisez l'accusée
Accueil