J'ai un de mes amis là , Bisteck, peut-être vous le connaissez...oui!...oh! vous devez le connaître ? Bisteck, un grand,là...c'est un garçon rangé, je dirai pas qu'il est plein aux as, non, il est plein aux valets par les sept, quoi, sans être millionnaire, y s'est fait une petite situation gentille...il est dans les bois...dans les bois gras...y s'occupe de la refente...Malheureusement, y vient de faire une gaffe...y vient de se marier. C'est vrai qu'il a épousé une brave femme, la fille Pessol . Ah! c'est pas précisement une beauté. Elle a un oeil qui répond mange à l'autre, un sourire piqué à la machine, une bouche qu'on dirait une chambre d'hôtel à deux lits...elle a le ventre en trois épisodes et les nichons en vedette américaine...on peut pas dire qu'elle est jolie, jolie, seulement qu'est...ce que vous voulez...c'est Mademoiselle Pessol...vous m'avez compris...Bref, y s'est marié et y m'a invité à sa noce. J'ai pas pleuré! Ah! y avait des gens très bien...y avait le sous préfet de Marignanne...le consul d'Aubagne, y avait un jeune homme qui sortait de St Cyr...un autre qui sortait de Bandol...y avait...qui y avait encore ?...Ah! ben , y avait Callenga, y avait Etienne...Etienne, le créateur de " La Tosca "...( ici, on peut placer tous les noms qu'on veut )...Bref, y avait un monde fou, quoi ! comme à Saint- Pierre.Et puis, alors, " Bisteck" il avait invité deux de ses voisins, deux, genre saligaud; mais il avait pas pu faire autrement...Monsieur et Madame Mafalou...des braves gens; mais des braves gens pas trop propres.Vous savez, de ces types qui se débarbouillent que pour le 14 Juillet et que, quand y z'ont des chaussettes sales, y changent de pied, des gens qui se lavent jamais rien , quoi...y laissent sécher et quand c'est sec, y brossent.Voueï ! alors, ce Monsieur et Madame Mafalou, y z'avaient pas beaucoup d'argent, c'est vrai.mais comme totos, par exemple...y z'avaient quèque chose et c'étaient pas des totos de course. Je sais pas où ils les prenaient, mais y en avait de toutes les couleurs.Y en avait qui avaient les yeux bleus...Y en avait des suisses avec la croix sur le dos. Alors , forcement, y z'avaient une manie, y se grattaient tout le temps. Et "Bisteck "qui le savait, ça, en les invitant, il leur avait bien recommandé de pas se gratter à table. Ah! il leur avait dit : " Tout ce que vous voudrez, mangez, prenez la ganarre, mais vous grattez pas, ça ferait mauvais effet " Naturellement, y z'avaient juré de ne pas le faire et, pendant tout le temps du repas, chaque fois qu'y avait un toto qui faisait un saut périlleux ou qui restait accroché par la jugulaire, Monsieur Mafalou serrait un peu les dents, Madame Mafalou serrait un peu ce qu'elle pouvait; mais ils se gardaient bien d'envoyer les mains...Et un repas de noces, c'est long...!Je sais pas si vous savez ce que c'est d'avoir des totos, mais vous pensez, ces pauvres gens, rester trois heures à table sans pouvoir se gratter, y z'en avaient la chair de poule.Surtout qu'à chaque instant il était question du nouveau marié. C'était toujours : "l'époux par ci, l'époux par là .Oh, malheureux, toutes les fois qu'on prononçait ces mots, c'était un désastre pour les Mafalou... |
Jusqu'au menu , qui semblait avoir été fait pour leur donner des idées...Pour commencer y avait des favouilles...vous pensez, des favouilles !...Après , il y avait un tournedos à la prince de Galles...et pour finir, un gratin, rien que des trucs à faire gratter, quoi ! Au dessert, on apporte des bananes et, en les voyant, y en a qui trouve rien de mieux, pour faire de l'esprit,que de crier : gratte-ti, banane ! Vous pensez, les Mafalou, y z'étaient en ébullition.Bref, on sert le café et chacun chante la sienne...Ceux qui savent pas chanter, disent des monologues, racontent des histoires...Y a même un jeune officier très bien...un lieutenant des tramways qui nous a fait la généalogie de sa famille, y nous a parlé de ses aïeux, de ses ancêtres, y parlait rudement bien, y parlait un peu pointu...ça vous pénétrait...A moment donné, Madame Mafalou était à bout de forces, elle ne pouvait plus tenir.Juste ça venait à elle à dire quelque chose...Elle se dresse et elle dit : Eh ! bien moi, Mesdames, Messieurs, puisque ce jeune homme vous a parlé de ses ancêtres, je vais vous parler des miens.J'en ai peut-être pas l'air mais j'ai eu un ancêtre qu'il a été célèbre...il était général !...et il était beau ! Tenez je le revois encore en grande tenue, tout chamaré d'or...( Et en disant ce qui suit, l'artiste doit faire coïncider les gestes et les paroles en se grattant ). Il avait des brandebourgs ici sur la poitrine et puis sur les épaulettes, là...de chaque côté...avec des franges...il avait une grande ceinture et un sabre qui pendait tout le long avec une grande bande au pantalon...il avait des galons pleins les bras avec des brisques...des médailles...et des aiguillettes dans le dos...c'était une merveille...A ce moment là, Monsieur Mafalou n'y tenant plus, voyant que sa femme avait trouvé la combinaison et ne voulant être en reste, se dresse froidement , il dit : "Eh ! bien moi, Mesdames et Messieurs ( y parlait comme ça pourquoi, en étant jeune, il était tombé sur le bord d'un trottoir, il avait frappé de là...alors, ça y avait mis la mâchoire un peu en bénitier) Eh ! bien moi, Mesdames et Messieurs, qu'y dit , moi aussi j'ai eu un ancêtre célèbre, un aïeul qui a été quelqu'un Oh ! le mien n'était pas général comme celui de ma femme, Il n' avait pas de brandebourgs sur la poitrine et puis sur les épaulettes là...de chaque côté...avec des franges...il n'avait pas non plus une grande ceinture avec un sabre qui pendait, ni des galons pleins les bras avec des brisques,des médailles et des aiguillettes dans le dos, moi il avait pas tout ça , seulement le mien c'était un grand coiffeur, c'était le perruquier de Louis XV. Question de raser, mon Dieu, il rasait pas mieux qu'un autre, pour couper les cheveux y les coupait comme tout le monde; mais alors il avait une façon de faire les shampooings...Oh ! couquin de Diou !
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