L'arbre aux métamorphoses ou la
naissance de la cigale
Le tunnel est là , ouvert au pied de l'arbre :
passage mystérieux d'une forme de vie à une autre.
A quelques centimètres, sur le tronc, la larve lourde et maladroite commence sa
pénible ascension. Son enveloppe brune adhère à sa masse souple , tel un moulage vivant
et parfait de sa forme intérieure.
Elle accroche les pointes acérées de ses frêles
pattes à l'écorce rugueuse du fier végétal. A deux mètres du sol, ses six appendices
fourchus, s'incrustent dans la robuste
écorce; Elle s'immobilise.
Une
longue période d'attente s'installe. Peu à peu le gant souple moulant , prend de la
rigidité, comme si la vie l'abandonnait. Il devient fragile, cassant comme sclérosé :
l'accouchement commence.
Dans la partie dorsale, au thorax, une bosse prend forme, comme si la matière
intérieure se déformait et se concentrait là. Une fine faille apparaît, brèche
longitudinale d'un bon centimètre et qui s'élargit peu à peu : à deux millimètres
d'ouverture, on devine le dos vert pâle de l'insecte.
De fortes poussées font tressaillir l'habitacle. Déjà les gaines des pattes
deviennent translucides, marquant ainsi un territoire abandonné mais gardant à jamais
l'empreinte précise de la forme fine et délicate des organes ambulatoires de la nymphe.
Dans un ultime soubresaut, le thorax et deux moignons d'ailes d'un merveilleux vert
humide, se dégagent de la prison morte.
La pesanteur fait basculer la grosse tête aux yeux globuleux vers le sol
entraînant la partie antérieure du corps et une nouvelle période d'attente s'installe.
Comment va-t-elle rétablir l'équilibre ? Dans un dernier effort la cigale fait un
redressement fulgurant et dégage son abdomen de
la chrysalide.
Dans sa beauté printanière, aux couleurs de la renaissance, elle déplie
lentement ses ailes au soleil comme un tissu mouillé que l'on déroule . Sa pâle
voilure, veinée de fines nervures en guise d'armatures, sèche lentement. La cigale reste
là, agrippée à sa coque vide et avec grande hésitation engage une première tentative d'abandon en
cherchant un appui de sa patte avant -droite, sur le tronc de l'arbre. Un premier pas est
franchi, les cinq autres pattes suivent.
Le vaisseau primordial est à présent abandonné
coquille désertée, brunâtre, arc-boutée , comme repliée sur elle même .
Quelques fils blanchâtres et secs sont visibles
par l'échancrure ; elle a coupé ses cordons ! une nouvelle forme de vie s'installe...
La voie est libre. L'insecte assure aux rayons chauds de l'astre du jour la
solidité de ses ailes. Obéissant alors à
un programme intérieur, la cigale commence à prendre la couleur de l'arbre. Ce
mimétisme sera sa sauvegarde. Déjà elle sait que des dangers la guettent dans ce nouvel
espace lumineux.
Maintenant elle est prête à tout, le temps d' un été , elle va s'envoler...
copyright ©2003 / 2004
Marguerite Benedetti
( Musique Felix Mendelssohn symphonie n° 3 ; 2° mouvement )
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